SaleJeune.com

Vous allez vous faire chier. Ce journal n’a pas été écrit pour vous, ni même dans un but précis du tout. Écoutez September Love de Airplay sur une vieille enceinte qui ne restitue correctement qu’une fréquence sur deux, coulez-vous un bain chaud, placez quelques orchidées bleues autour de la baignoire, ça aidera, peut-être.

Janvier

Déformation professionnelle et pour ne rien oublier, j’ai créé un fichier tinder-001.txt. J’en ai swipé des centaines et des milliers moi de beaux gosses en Calvin Klein devant le miroir embué de la salle de bain avec ou sans lunettes rondes fines dorées, livre grand classique de la littérature marocaine ou analyse économique sous toutes les coutures sur les genoux, mèche rebelle, ou en soirée éméché dans un caddie cinq heure du mat’ pour faire drôle, original et décontracté, à gauche, avant de tomber sur 001; rien qui de prime abord casse trois pattes à un canard, banal, entre nous, pas dégueulasse mais banal, bateau, chapeau, grand coucher de nuages gris dimanche fin d’après-midi, et pourtant.

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C’est une tige. En métal, et, il y en a plusieurs. Ce sont des tubes, en fait, ils s’emboîtent. Ça forme un grand cercle, une structure, en l’air, sur des pieds. Bien seize mètres de diamètre. Peut-être qu’il faudrait commencer par: il y a un arbre au milieu.

La structure en métal sur pieds forme un grand cercle autour de l’arbre, et il y a des guirlandes, tendues entre la structure et l’arbre, avec des ampoules ambrées. En fait, c’est comme un chapiteau, mais sans toile, avec un arbre en guise de mât, et les ampoules comme des petites étoiles, c’est beau. Derrière il y a le lac, il fait nuit donc on ne le voit pas vraiment, mais on le sent. Sous les guirlandes, il y a mille-deux-cents personnes qui dansent.

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Je suis «debout», affalé contre une vitrine.

C’est un dimanche fin de nuit début septembre, presque lundi matin. La vitrine, celle des pompes funèbres avec la colombe blanche, Je est assez flou. Soixante-sept kilos remplis de Carmélite, Cuvée des trolls, Guinness, Kronenburg et des ongles trop longs.

Il y a quelques urnes savamment ordonnées, et dans la vitre des reflets verts et roses, néons du bar d’en-face. Plus personne ne danse, juste les lumières tamisées, produits de branches, de feuilles et de quelques lampadaires égarés. Il n’y a pas un bruit dans la rue à part Marilyn Manson qui hurle I don’t need a mother fucker looking down on me dans mes oreilles.

C’est une triste façon d’exposer des cadavres que de les réduire en cendres alors qu’on pourrait les maintenir dans des positions amusantes avec un peu d’imagination et de duct tape.

Tout ça tourne un peu, je suis ivre-vivant.

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19h12 – Oh mon beau miroir, salle de bain du rez

Et merde, déjà ivre, décoiffée qui plus est, mais regarde toi ma pauvre, ce reflet, c’est moi, qu’est ce que je vais en faire, de ma vie, qu’est ce que j’en sais, où est Caroline, dans la salle de bain sûrement, être heureux aurait répondu Lenon, moi j’en ai rien à foutre, c’est pas en étant heureux qu’on change le monde, Van Gogh, Mozart, Einstein, tous à la même et de toute façon, je me nourris d’adrénaline moi, pas de bonheur, Caroline qu’est ce que tu fais, dépêche toi, j’arrive, laissez-moi penser, penser, c’est fou, cette fille n’est plus la même, c’est Hector, ça l’a bouleversée, bien sûr, on dirait qu’elle ne trouve plus de réconfort nulle part, ni dans les livres, ni dans les équations, pas même dans les vocabulaires d’allemand, son univers, ses repères, tout a explosé, ce mec a au moins le mérite de l’avoir fait changer, je sais pas, il me faisait peur, c’est peut-être mieux comme ça, il aurait pu la tuer, donc t’es en train de dire que c’est mieux pour elle qu’il soit mort, non, je ne dit pas ça, c’est horrible, de voir Caroline comme ça, dis moi Céline, qu’est ce que tu as autour du cou, c’est ma mère qui me l’a offerte, je pourrais te l’emprunter ton amulette, non Natan, j’y tiens beaucoup tu comprend, bien sûr, Caroline, enfin, viens, il faut que je te présente Maxence, le maître de maison, Céline, les toilettes sont libres.

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Olivier est assis juste à côté de Maxence, le type bizarre qui fait du bruit avec ses pieds, des claquettes, c’est tellement beau, un homme, un vrai, explique Jeanne, la petite blonde plutôt mignonne qui est assise avec sa meilleure amie et sa demi-soeur Joana qui n’écoute que d’une oreille, l’autre étant concentrée sur Sorry for Party Rocking, la nouvelle musique trop swag jouée par le groupe dont Eric, le joueur de rugby, ouais celui qui s’est fait Maude et Caroline à l’anniversaire d’Adrian il y a deux semaines après avoir gagné un match plutôt serré, a oublié le nom, encore, pas grave, il l’a sur son portable et de toute façon, bof, c’est vraiment très commercial, Line ne pourrait pas l’écouter en boucle toute la journée comme Ethan, le mec sympa mais un peu louche qui porte une paire d’écouteurs beats qu’il a reçus et qui font quatre fois la taille de sa tête, ça fait légèrement autiste mais non, Morgane n’est pas d’accord, il est plutôt beau gosse et franchement, comparé à l’autre, Luc il n’a rien à lui envier, c’est cool mais tu vois pas que j’essaie d’apprendre ce voc d’allemand, ça me stresse à un point…

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Ma fille, comme tu seras belle !

Toi dans le ventre de Maman, douce berceuse de Brahms, feu dans la cheminée, on dirait que tu danses, une danseuse, une musicienne aussi c’est sûr, on a tout prévu pour toi, tu sais la vie est dure, loin d’être un long fleuve tranquille, mais ne t’inquiètes pas, tout l’amour du monde, tu l’auras, Papa se réjouit, si tu savais à quel point, plus que deux mois.

Ton premier mot, Papa peut-être, qui sait, neuf mois et déjà, quatorze, tu marcheras, agile, une battante, comme Papa-Maman seront heureux, grâce à toi, deux ans, tu danseras, à la garderie, tout le monde sera impressionné, trois, tant de questions, tu voudras tout savoir, pas de temps à perdre, quatre, solfège, l’école, il te faudra apprendre à lire, la discipline, une ou deux bonnes copines et savoir compter.

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Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs

Je crois que la société de paix et d’amour où nous pensions avoir la chance de vivre est morte.

Prenez un crayon, dessinez un visage avec un gros nez, ajoutez « le grand gourou » comme légende et vous soulèverez déjà des foules. Encore quelques mots et vous vous retrouvez un matin assis à votre bureau, la tête dans votre café, une balle dans le cœur, chemise en sang, mort.

Je crois qu’un seul constat s’impose : les mots blessent. On a beau vouloir les rendre légers, ils pénètrent toujours dans la chair comme du plomb. C’est qu’ils sont de plus en plus nombreux. Ils vont et viennent toujours plus vite. On les a aiguisés comme des lames de rasoir. Et pourtant, on les utilise à tout va, n’importe comment, contre tout et tout le monde sans se soucier des conséquences.

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« Jack n’était pas satisfait, jamais, il disait toujours, c’est fini, presque, et puis il écrivait, encore.

Au début, on était plein, tous ensemble, dans ce vieil immeuble, il n’y avait plus de peinture, on faisait du feu, les plaques de la cuisinière, elles ne chauffaient pas, ça nous plaisait, le soir, on mangeait, Jack prenait un oeuf, il disait, j’ai du travail, il sortait de table et puis, il écrivait.

Léa faisait la cuisine, avec des petits oignons, Daniel réparait les fenêtres, les portes aussi, des fois, Clara s’occupait des chats, Noé collectionnait des timbres, il en a vendu deux à un type, une fois, Nanou chantait, toute la journée, toute la nuit, souvent, Lucien l’accompagnait à l’accordéon et quand il faisait froid, on s’en foutait.

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